Simple outil de contrôle des citoyens ou moyen supplémentaire d’aide à la gestion sociale ? La Chine compte, dans un futur très proche, établir officiellement un système de notation de ses citoyens dans le but de récompenser les meilleurs.
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Un projet lancé depuis 2014
L’idée n’est pourtant pas nouvelle, elle circule dans les couloirs de l’administration chinoise depuis 2014. Des tests ont même déjà eu lieu dans le but d’en juger la pertinence et la faisabilité. Il s’agit en fait de mettre au point un système de notation de chaque citoyen chinois en se basant sur les comportements et les habitudes de celui-ci au quotidien. On sait déjà qu’en Chine les avis qui n’abondent pas dans le même sens que celles des autorités sont souvent considérés comme dissidents.
Ainsi un citoyen surpris sur le net en train de tenir des propos désobligeants envers les gouvernements aura des points en moins. Un autre plus enclin à se procurer des jeux vidéo que des outils de travail serait considéré comme nuisible. Un autre qui brûlerait un feu de circulation recevrait des points en moins. À l’opposé, si vous défendez des opinions qui abondent dans le sens que la gouvernance chinoise, vous recevrez des points en plus et même des récompenses, et ainsi de suite. Cela donne l’impression d’être un code de bonne conduite ou un immense jeu de société. Mais ce sont les applications que la Chine compte en faire qui incitent à une sérieuse réflexion.
Comment cela fonctionnera-t-il ?
Selon la chercheuse Katika Kühnreich, ce système sera basé sur le principe de fonctionnement des jeux vidéo. Il prendra en compte toutes les données existantes sur le Net notamment, et les croisera en vue d’en exposer les meilleurs résultats possible. Mais pour cela, il faut un accès aux informations réelles des citoyens chinois. C’est ainsi que de grandes plateformes comme le géant Alibaba, Tencend et Baidu se sont mis dans l’optique de prêter main-forte à la mise en œuvre de ce projet. Ils ont, en effet, effectué une phase expérimentale de ce nouveau système dans le cadre de l’octroi de crédit. Il est donc plus qu’évident que d’autres plateformes entreront dans la danse dans les années à venir pour grossir la masse des données à exploiter.
Des citoyens de plus en plus surveillés ?
Il faut dire que tous les points reçus ou retirés sont pour les autorités comme un indicateur du type de personne que vous êtes. Ainsi, un citoyen chinois qui se rend dans une banque pour solliciter un prêt pour la réalisation de son projet avec un score négatif se verra tout simplement refuser ce prêt. Ainsi, un citoyen qui a de bonnes idées, mais qui a eu à tenir des propos qui ne font pas l’éloge du gouvernement sera considéré comme indigne de recevoir ce prêt. C’est en cela que certains analystes comme la chercheuse Katika Kühnreich estiment que ceci n’est rien d’autre qu’un moyen pour accroître le poids de la surveillance et du contrôle exercé sur les Chinois par le pouvoir en place.
Pour les autorités chinoises, cela devrait permettre à des individus ne disposant pas de moyens financiers, mais ayant un score intéressant de pouvoir décrocher plus facilement un crédit. Le projet a été lancé en 2014 et sera officiellement mis en œuvre à l’horizon 2020. Il semblerait bien qu’il soit encore plus perfectionné qu’on ne pourrait le penser dans la mesure où la Chine fait partie des États qui ont investi de grosses sommes d’argent dans les logiciels de reconnaissance faciale intégrée dans les caméras de surveillance.
Seulement en 2016, Pékin aurait injecté environ 128 millions d’euros (plus d’un milliard de yuans) dans ce secteur. Et il est fort probable que les années à venir, cette somme soit multipliée pour en accélérer le processus. En effet, ce sont déjà 170 millions de caméras équipées d’une intelligence artificielle qui ont été installées dans quelques villes déjà et cela passera à au moins 600 millions d’ici à 2020.
Cela pourrait s’étendre aux autres nations
« Il y a une forte tendance actuelle à vouloir résoudre les problèmes de société avec des solutions technologiques, ou du moins, de tenter de le faire. Cela se produit actuellement en Chine, mais nous sommes loin d’en être exemptés en Occident », a déclaré Katika Kühnreich. En effet, il apparaît que les notions de surveillance et de contrôle des populations ne sont pas inhérentes à la Chine. Un pays comme les États-Unis dépense des millions de dollars dans l’espionnage de ses propres citoyens. Selon la chercheuse, il se pourrait donc que le concept soit repris dans les années à venir par d’autres pays en Occident comme partout ailleurs.
Mais cela ne sera pas sans l’opposition farouche des institutions qui luttent pour les droits de l’homme comme Human Right Watch. À ce propos, l’organisation a d’ailleurs sonné l’alarme en Chine. En effet, elle a accusé les autorités chinoises d’avoir enregistré les données biométriques de toutes les personnes vivant à Xinjiang sous le principe qu’ils sont des musulmans ouïghours. Le gouvernement chinois avait réagi à cette accusation en prétextant qu’il comptait mettre en place un programme sanitaire dans la région.